Archives socialistes

Fondation Jean Jaurès

LE PS SUR LES MURS (1974-1981)

Voici une sélection, en couleurs, d’affiches présentes dans le livre de Joseph Daniel, « Janus en campagne – Entre politique et communication (1967-1981) », publié dans la nouvelle collection « Parcelles d’humanité »  (Éditions du Bord de l’Eau).

Elles sont accompagnées d’extraits du livre qui en rappellent les circonstances et le contexte, ou en commentent les choix politiques ou artistiques.

Ces affiches font partie du fonds de la Fondation Jean Jaurès.

 

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 1974

 

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« Une partie de l’équipe Propagande du PS – je n’en suis pas – décide de proposer une campagne distincte [de celle qui a été retenue pour l’affichage commercial]. Réunis dans l’appartement de Guy Vadepied, Patricio Valenzuela, Oscar Tebar, Francis Sorin, Yann Berriet, Evelyn Soum et la conceptrice Marie- Anne Belaïff s’attellent à ce projet. Ils conçoivent une campagne beaucoup plus chaleureuse que celle de l’équipe Delpire, plus relationnelle, mais aussi plus publicitaire dans son style. Cette fois, le candidat n’apparaît pas visuellement, puisque les [quatre] affiches mettent en scène différentes catégories de Français, mais son nom est chaque fois associé au changement espéré. Tard un soir, l’équipe présente ce projet à François Mitterrand à son domicile, rue de Bièvre, après ses meetings. Feu vert, mais seulement pour en faire un matériel, de petit format, destiné à l’affichage sauvage. On ne saura jamais quels auraient été ses effets s’il lui avait été donné d’exister en 4 m par 3. »

 

 

1977 : APPROCHE DES ÉLECTIONS MUNICIPALES, À UN AN DES LÉGISLATIVES

 

« C’est sur les murs que nous découvrons, début 1977, de grandes affiches sur lesquelles Mitterrand se tient debout au bord de l’océan, sous la formule « Le Socialisme, une idée qui fait son chemin ». Nous apprendrons bientôt que le Premier secrétaire et André Rousselet ont demandé à Jean-Pierre Audour de faire concevoir une campagne d’image. Dans le plus grand secret, ce dernier a mis en concurrence trois créatifs, Alain Godard, Philippe Michel et Jacques Séguéla. La campagne doit, selon le briefing d’Audour, profiter des élections municipales à venir en mars pour « renforcer, dans un climat favorable », l’image de « leader de la Gauche Unie » de Mitterrand et « compléter et appuyer chacune des campagnes développées au plan national par le Parti Socialiste et par le Parti Communiste [sic], et dans chaque ville par les listes de gauche ». Mitterrand a choisi la proposition de Séguéla. L’image est belle, puissante, et, en assimilant la marche du socialisme et celle de Mitterrand, elle place ce dernier dans une dynamique historique. Trois ans après l’affiche de campagne présidentielle représentant Giscard et sa fille, elle constitue la première incursion sans réserve de la communication socialiste dans l’univers de la publicité, avec son style, ses codes, ses formats. Communication socialiste, en effet, plutôt que communication du PS : elle ne comporte délibérément ni le nom du parti, ni son logo.»

 

 

SEPTEMBRE 1976 : DERNIÈRES AFFICHES APPELANT À « CHANGER LA VIE »

 

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« Changer la vie... […] Cette promesse riche d’espérance était très présente dans les discours, nationaux et locaux du parti et dans son matériel militant, elle avait même donné son titre au programme socialiste de gouvernement de 1972. Elle n’était pourtant jamais apparue dans le matériel « commercial » associé à François Mitterrand, à savoir les affiches de la présidentielle de 1974 ou celle sur « Le socialisme, une idée qui fait son chemin ». [… ]

À l’automne 1977, Jean Poperen [secrétaire national à la Communication] me transmet une instruction inattendue : le Premier secrétaire, dit-il, demande qu’on n’utilise plus, dans notre matériel de communication, les termes « Changer la vie ». Raison invoquée : le slogan, que l’on a beaucoup lu, vu et entendu depuis des années, serait totalement usé. « On en a marre, on le voit partout. » Vraiment ? La véritable logique me paraît autre : à l’approche de législatives que l’on peut raisonnablement espérer gagner, l’esprit de responsabilité doit l’emporter sur l’élan poétique, utopique et généreux. Plus question d’alimenter des espérances qui pourraient bientôt revenir en boomerang. Peu après, Poperen  me demande d’ailleurs de faire réaliser une affiche dont le texte proclame : « Les socialistes tiennent ce qu’ils promettent. Ils ne promettent que ce qu’ils peuvent tenir », ce qui se veut une réponse à la surenchère du PCF. La promesse de « changer la vie » sera apparue une dernière fois sur un triptyque d’affiches de petit format en septembre 1976 (« Changeons la vie ensemble »). À partir de là, elle disparaît du matériel national de communication. »

 

 

1974-1975 : INFLATION ET CHÔMAGE, DEUX APPROCHES OPPOSÉES

 

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« Dans [sa] toute première affiche politique, la manière Baillargeon éclate déjà, en une violente combinaison de mots qui cognent sur une image de tous les jours : une femme passe avec un cabas, tandis que derrière elle, de grandes lettres indignées, alternativement rouges et blanches sur le fond noir, dénoncent : « La vie chère. Un coupable – Le capital. Un complice – Le pouvoir. » Le PS n’apparaît que par son logo, sans même ses initiales. Sur l’affiche suivante, deux visages indistincts et un mot-massue, « Chômage », expriment la brutalité du moment. Sur ces deux thèmes centraux de la période, inflation et chômage, s’exerce une véritable rupture avec le langage tant écrit que visuel du PS d’alors. Rupture qui éclate dans la comparaison avec d’autres affiches, pratiquement contemporaines, portant sur les mêmes thèmes, et utilisant la même gamme chromatique qui est alors celle du PS, – noir, blanc, rouge. Les unes, dont je ne connais pas les auteurs, ont recours à l’argumentation politique chiffrée, quand celles du jeune graphiste jouent sur le choc visuel et sur l’émotion. Rigueur, rationalité et didactisme d’un côté, vigueur, émotion et souffle de l’autre. »

 

 

1979 : CAMPAGNE D’ADHÉSION

 

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« Une étude qualitative est réalisée entre juin et août 1979 et analysée en septembre. Elle montre en particulier l’importance que jouent, dans le processus d’adhésion, des facteurs relationnels (exemple d’un parent, d’un professeur, d’un collègue de travail, qui tient lieu de « modèle » dans lequel on se projette ou auquel on s’identifie) et des facteurs émotionnels (nombre d’adhésions sont plus ou moins simultanées avec un événement personnel fort : une rencontre, un mariage, une séparation, parfois même un deuil). Ces facteurs s’ajoutent à des déclencheurs politiques déjà bien connus : certains adhèrent en anticipant une victoire électorale ou au lendemain de celle-ci, d’autres rejoignent le parti après qu’il a connu un échec. Les entretiens nous aident à concevoir des formulations, qui seront mises dans la bouche de potentiels adhérents (jeunes, ouvriers, employés...) apparaissant sur les affiches. Ces phrases qui résument les motifs d’adhésion mettent toujours l’accent sur le mot « maintenant ». Nos figurants sont, comme à l’ordinaire, des salariés, des militants ou sympathisants du parti. »

 

 

SEPTEMBRE 1980 : DÉFENSE DES SERVICES PUBLICS

 

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« La défense du secteur public est une cause éminemment populaire auprès des socialistes, […] une cause d’autant plus sensible que la période est marquée par de nombreuses régressions : fermetures de lignes SNCF, suppressions de classes, insuffisance des moyens de l’hôpital ou de la Poste. Une cause qui peut jouer un rôle important lors de la future présidentielle. En juillet 1980, je multiplie les réunions de travail avec des responsables du parti qui suivent différents secteurs. Bien entendu, chacun souhaiterait, avec des arguments très légitimes, disposer d’une campagne propre au domaine dont il a la charge. […]Comment fédérer dans une même opération de communication des thèmes disparates, sans affaiblir chacun d’eux, mais en leur donnant au contraire de la force par leur  mutualisation elle-même? Nous travaillons, avec Claude Baillargeon, à une approche unificatrice, qu’il choisit d’appuyer sur les symboles, familiers à tous, des services publics concernés, et sur une grande homogénéité dans l’allure des visuels. » 

 

 

AUTOMNE-HIVER 1980 : SOUS LE SIGNE DE « L’AUTRE POLITIQUE »

 

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«  Il est impératif, pour permettre l’alternance, d’installer et de crédibiliser la notion d’alternative. Et, au moment où la politique est dévalorisée, tant du fait des échecs face à la crise économique que des divisions dans les deux camps, il importe non de la contourner, mais de s’en revendiquer de façon positive. Ce qui va s’exprimer de la manière la plus simple, en deux mots: « L’autre politique. » C’est le titre donné à l’automne 1980 au Projet socialiste, adopté depuis janvier (largement dû à Jean-Pierre Chevènement, il prend le relais de l’ancien Programme commun de la gauche). Claude Baillargeon va, avec son ami le graphiste et poète argentin Hector Cattolica, l’illustrer dans une série d’affiches fortement symboliques, dans lesquelles la rose du PS est greffée, comme une promesse d’espoir, tantôt sur une clé (la liberté), tantôt sur un marteau (l’emploi), ou portée dans le bec d’une colombe (la paix). Des affiches que je trouve belles et fortes, mais que contestent d’autres membres de la Commission nationale Communication et certains responsables du parti (ceux qui les jugent tristes, ceux qui estiment que « L’autre » n’est pas lisible, ceux qui les considèrent comme élitistes).»

 

 

VERS LA PRÉSIDENTIELLE DE 1981 : L’ARME DU REJET

 

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«  J’avais déjà appuyé sur ce ressort efficace [le rejet] en octobre 1980, sous le couvert du Mouvement des jeunes socialistes, en faisant réaliser par l’illustrateur Pym un photomontage très réussi montrant Giscard, à côté de sa ministre des Universités Alice Saunié- Seïté, en tenue de casseur constellé de diamants. Je le ferai de façon plus directe à la toute fin de 1980, ou au tout début de 1981, avec le talent graphique de Claude Baillargeon, dans deux affiches cette fois siglées PS, montrant Giscard de dos et appelant à « tourner la page ». Ces dernières sortent peu avant que Mitterrand […] nous donne pour instruction formelle de ne produire aucune affiche attaquant le président sortant. Elles sont très appréciées et demandées par les militants, et, comme on pouvait s’en douter, aucune initiative ne sera prise pour en ralentir la diffusion. »

 

 

PRÉSIDENTIELLE DE 1981: MITTERRAND ET LA CAMPAGNE « JUSTICE »

 

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«  Mitterrand aime avoir plusieurs fers au feu. Il avait dit en substance à Françoise [Castro], Jacques [Pomonti], Gérard [Unger] et moi : « Ce que me propose Séguéla est souvent très beau, mais je n’y trouve pas toujours le contenu, la force politique. Faites-moi des réflexions, des remarques, des projets. » […] Selon les bruits de couloir, l’approche du publicitaire correspond au deuxième scénario que, depuis l’été, nous avons identifié (« une approche très personnalisée – voire charismatique »), alors que nous défendons le troisième (la mise du candidat « au service d’une valeur forte et mobilisatrice »). Début janvier, je travaille avec Lola Shalit à une proposition de campagne qui mettrait en œuvre cette stratégie. […] La valeur centrale que met en avant la campagne qu’elle conçoit, avec le directeur artistique Hans Troxler, est l’exigence de justice, intimement associée au candidat.  […]

Plus de quarante ans après, je reste convaincu que, si elles avaient eu accès aux panneaux commerciaux, les affiches conçues par Lola Shalit auraient eu une réelle puissance politique autant que symbolique. Et même peut-être, après l’élection, un certain effet structurant sur la manière dont le nouveau pouvoir aurait pensé les problèmes et formulé les réponses à y apporter, autour de la valeur cardinale de justice. Comme la campagne de Séguéla, quoique de façon totalement différente, elles auraient contribué à modeler l’image de François Mitterrand au pouvoir. Mais ce n’est pas le choix qui a été fait. »

 

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