Socialistes et syndicalistes contre la guerre, la manifestation de l’Aéro-Park en 1911
La manifestation contre la guerre de l’Aéro-Park en 1911 est aujourd’hui oubliée.
Un reportage photographique mis au jour par la Fondation a permis à Benoît Kermoal de la faire revivre lors d’une rencontre autour de l’histoire du combat pacifiste de Jaurès et de la gauche en 1911-1913 le 25 novembre 2023 au Musée de l’histoire vivante de Montreuil.
« L’organisation du meeting de l’Aéro-Park permit aux prolétaires de voir côte à côte sur les murs de Paris et l’appel de la Fédération de la Seine et celui de l’Union des syndicats les conviant à une démonstration où participaient les orateurs des deux organisations. C’est la preuve, une fois de plus faite, que la classe ouvrière ne saurait diviser contre elle-même1. » C’est ainsi que L’Encyclopédie socialiste, syndicale et coopération de l’internationale ouvrière2 relate la manifestation contre la guerre du 24 septembre 1911.
Ce rassemblement pacifiste associant socialistes et syndicalistes est aujourd’hui oublié, tant les mobilisations contre la guerre entre 1912 et 1914 ont davantage marqué les esprits : le congrès international de Bâle de 1912 a impulsé les débuts d’une vaste campagne pacifiste en Europe3 et en France, la manifestation du 25 mai 1913 au Pré-Saint-Gervais est restée dans les mémoires comme le symbole de l’action pacifiste du mouvement ouvrier avant le début de la Grande Guerre4. C’est pourquoi le reportage photographique sur ce rassemblement de l’Aéro-Park, issu du fonds Pierre-Renaudel conservé par la Fondation Jean-Jaurès5, permet de mieux comprendre l’importance de cette première grande manifestation unitaire dans l’histoire du mouvement socialiste et syndical d’avant 1914. Composé de 16 photographies, certaines inédites, d’autres parues dans la presse au lendemain du meeting6, cet ensemble documentaire renseigne concrètement sur les pratiques militantes des opposants à la guerre dans un contexte nouveau. En effet, c’est l’une des toutes premières manifestations nationales contre la guerre qui regroupe l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, les socialistes de la SFIO, les syndicalistes de la CGT, mais aussi les anarchistes et d’autres organisations ouvrières.
C’est l’occasion pour l’ensemble du mouvement ouvrier international de se mobiliser et de rendre plus concrète son opposition à la guerre
Un contexte international marqué par la peur de la guerre et l’action internationaliste du mouvement ouvrier
Avant d’évoquer le déroulement de cette mobilisation et d’en analyser la portée, il faut rappeler la situation internationale liée à cette mobilisation : la peur d’une guerre est présente en France, et plus largement dans l’Europe, depuis juillet 1911 avec l’affaire d’Agadir au Maroc. Ce territoire est un lieu d’affrontement entre la France et l’Allemagne, et le conflit colonial et géopolitique montre à l’opinion publique qu’une guerre ouverte entre les deux grandes puissances et leurs alliances est dorénavant possible6. C’est l’occasion pour l’ensemble du mouvement ouvrier international de se mobiliser et de rendre plus concrète son opposition à la guerre8 : l’Internationale socialiste lutte depuis plusieurs années pour la paix, en particulier depuis les congrès de Stuttgart en 1907 et de Copenhague en 1910, mais à partir du coup d’Agadir, la menace de guerre est tangible et l’engrenage possible. Dans plusieurs pays comme en Allemagne, en Grande-Bretagne, mais aussi en Espagne, des mobilisations ouvrières ont eu lieu dans les semaines précédentes et le meeting de l’Aéro-Park se situe dans ce mouvement international d’opposition à la guerre.
La Fédération socialiste de la Seine et l’Union des syndicats CGT de la Seine organisent le rassemblement. D’autres groupes s’y rallient et c’est en conséquence un mouvement uni d’opposition à la guerre qui se met en place. Cela n’est pas anodin : les deux principales organisations ouvrières n’ont guère l’habitude de s’associer à cette période, car elles jalousent leurs prérogatives et s’opposent aussi sur les modes d’action9. On retrouve également de telles divisions au sein même de la SFIO et de la CGT : ainsi, dans les rangs du Parti socialiste, qui regroupe 63 000 adhérents, si l’opposition à la guerre fait consensus, trois tendances existent : une tendance insurrectionnelle autour de Gustave Hervé, qui affirme qu’à la guerre doivent répondre une insurrection et une révolution. Ce courant très hostile aux autres socialistes connaît les faveurs de nombreux syndicalistes ou anarchistes. Il existe une autre tendance autour de Jules Guesde, qui promeut avant tout pour défendre la paix la lutte contre le capitalisme, car c’est ainsi, selon les guesdistes, que la guerre va disparaître. Enfin, une tendance regroupant les partisans de Jean Jaurès et d’Édouard Vaillant affirme que la SFIO doit tout faire pour empêcher la guerre, de l’action parlementaire à l’insurrection si nécessaire, mais seulement en dernier recours. Jaurès, qui est alors le vrai leader du parti, est absent à cette période, car il est en voyage en Amérique latine. Cette absence est sans aucun doute pour beaucoup dans l’oubli ensuite de cette première manifestation pacifiste unitaire. Quant à la CGT, dont les effectifs rassemblent 80 000 membres, les oppositions entre les révolutionnaires et les réformistes sont vives et récurrentes à cette période.
Les enjeux de cette journée sont donc importants : montrer la force nouvelle du mouvement ouvrier uni, montrer aussi la capacité des organisations à s’entendre pour agir, à se faire confiance et surtout à se rassembler sans violence ni affrontement avec les forces de l’ordre. C’est le principal mot d’ordre dans les réunions préparatoires au meeting du 24 septembre 1911 : il importe de manifester pacifiquement afin de ne pas donner au gouvernement un prétexte pour réprimer l’ensemble du mouvement ouvrier.
Les photographies conservées dans le fonds Renaudel constituent un véritable reportage photographique, nous permettant d’en apprendre davantage sur ce rassemblement qui a lieu à l’Aéro-Park : situé au nord de Paris et nouvellement créé, ce lieu, qui sert avant tout pour des rassemblements festifs ou de divertissement10, a été loué par les organisations pour ce meeting, car les cortèges politiques sont alors interdits par le gouvernement qui a peur des débordements liés aux manifestations itinérantes. Se rassembler dans un lieu clos permet la mobilisation et évite les possibilités d’affrontements avec la police. C’est d’ailleurs une préoccupation essentielle des organisateurs tout au long de la journée.
L’ouverture de l’Aéro-Park a lieu à 14h30 le 24 septembre. Situé près des Buttes-Chaumont, le lieu se remplit progressivement de manifestants contrôlés à l’entrée par les forces de l’ordre. On peut également voir la distribution de journaux.
Le déroulement du meeting de l’Aéro-Park
L’ouverture de l’Aéro-Park pour le rassemblement a lieu au début de l’après-midi. L’arrivée des manifestants se fait progressivement et dans le calme et l’entrée est surveillée par les forces de police pour éviter que les militants agissent en dehors de l’enceinte. La presse mentionne le contrôle des pancartes et drapeaux aux abords du lieu. Comme l’explique Marcel Sembat dans L’Humanité du 24 septembre, le jour même de la manifestation : « C’est une manifestation commune, où les socialistes se joindront aux syndicalistes qui l’ont organisée, où des orateurs du parti parleront côte à côte avec des orateurs de la confédération générale du travail que les travailleurs parisiens clameront leur ferme volonté de préserver la paix internationale par tous les moyens en leur pouvoir. »
Sembat insiste sur la nécessité de se rendre dans le calme à l’Aéro-Park afin d’éviter l’annulation de la réunion par les forces de l’ordre et l’on retrouve ce souhait dans La Bataille syndicaliste, journal de la tendance syndicaliste révolutionnaire au sein de la CGT11. L’organisation est donc stricte, on fournit beaucoup de conseils dans la presse militante : ainsi, on demande de ne pas déployer les drapeaux avant l’entrée ni d’agiter les pancartes avant d’arriver, pour éviter que les forces de l’ordre confisquent ces pancartes.
Plusieurs photographies montrent la foule rassemblée à l’Aéro-Park :
Combien y a-t-il de personnes ? La presse militante affirme qu’il y a dans l’après-midi plus de 50 000 personnes : ainsi, le journal La Guerre sociale de Gustave Hervé précise : « Cette réunion en plein air de 60 000 syndicalistes, socialistes ou anarchistes parisiens était si imposante, si impressionnante » tout en indiquant que la pluie a sans doute découragé de nombreuses personnes11. Les rapports de police, quant à eux, mentionnent 18 000 manifestants13, après avoir craint une foule considérable dans les jours précédents le meeting14. Si les organisateurs espéraient davantage de monde, L’Humanité du lendemain affirme que c’est « un succès presque inespéré avec cette sale pluie qui avait l’air de tomber exprès sur commande de Caillaux [président du conseil à cette période] pour noyer l’enthousiasme15. » D’autres raisons pour expliquer ce demi-succès sont également mentionnées, comme l’inconfort du lieu, où plusieurs endroits sont escarpés et devenus boueux à cause de la pluie, ainsi que le montrent d’autres photographies.
Des endroits sont prévus pour que des militants fassent des discours. On dispose ainsi de trois scènes improvisées où les orateurs s’expriment sur des chaises. À côté de ces tribunes prévues, d’autres prises de parole improvisées ont lieu. Les organisateurs ont pris soin que la parole soit distribuée équitablement entre syndicalistes et socialistes.
Du côté socialiste, plusieurs députés de Paris sont prévus, comme Albert Thomas et Marcel Sembat : ce dernier intervient régulièrement dans L’Humanité en l’absence de Jaurès et il affirme dans son discours son attachement à l’internationalisme. Il note ainsi dans ses mémoires : « Le lendemain, c’était le grand meeting de l’Aéro-Park […]. Le résultat (cela pouvait très mal tourner) a été splendide16. »
Comme lui, Albert Thomas insiste sur la nécessité d’entente avec l’Allemagne, tout en faisant référence à l’histoire du mouvement ouvrier17.
François Marie de la CGT, responsable de l’union de la Seine, fait également un discours, en tant qu’organisateur : « Notre manifestation aura une double portée : elle est une affirmation puissante contre la guerre, mais il faut une autre affirmation celle de la grève générale de demain18. » Il s’inscrit davantage dans la mouvance du syndicalisme révolutionnaire en rappelant son attachement à l’idée de grève générale. Précédemment, il avait été le représentant du mouvement ouvrier français dans les mobilisations contre la guerre en Espagne.
Autre orateur : William Anderson, leader de l’Independent Labour Party, qui est une composante à gauche du parti travailliste, affirme dans son intervention son opposition à la guerre capitaliste et son attachement à l’internationalisme ouvrier. La traduction de ce discours était assurée par le socialiste Zéphirin Camélinat, qui est un ancien de la Commune et vieux combattant de l’Internationale, et que l’on devine derrière l’orateur. Mais il n’était sans doute pas facile d’entendre sa traduction face à cette foule nombreuse. On constate en effet que dans les comptes rendus de la presse, on insiste sur le bruit environnant qui rend l’audition difficile, le quotidien conservateur Excelsior indiquant ainsi : « Un flot de paroles emportées par le vent, tel est le bilan du meeting révolutionnaire du 24 septembre 191119. »
Les slogans et les pratiques militantes
Si on ne vient pas forcément à ce type de rassemblement pour écouter les discours, pourquoi s’y rendre ? L’important, c’est avant tout de montrer sa force par le nombre. C’est aussi de s’exprimer par des slogans inscrits sur les pancartes et d’afficher son appartenance politique ou syndicale. C’est pourquoi la présence de pancartes et de drapeaux est essentielle. Les drapeaux sont visibles en particulier derrière chaque orateur. Leur déploiement permet en outre à chaque arrivant de rallier son groupe affinitaire. Chaque section dispose d’une oriflamme, comme on peut le voir derrière Marcel Sembat ou Albert Thomas. Sur une autre photographie, on voit le groupe de la fédération révolutionnaire communiste, qui regroupe les partisans de l’anarchisme. Fondée en 1910, elle prend le nom de fédération communiste anarchiste quelques mois plus tard. Elle rassemble de nombreux syndicalistes révolutionnaires et des partisans de l’action révolutionnaire et est surtout active à Paris et dans sa banlieue20. La présence de ses militants illustre la volonté d’unité lors de ce rassemblement, même si on peut voir sur la photographie que ce groupe se tient quelque peu à l’écart des autres groupes de manifestants.
La fédération révolutionnaire communiste est présente avec un drapeau permettant à ses militants de se regrouper.
On peut voir de très nombreuses pancartes sur l’ensemble des photographies. Celles-ci ont été soigneusement préparées en amont, comme le relate la presse militante. On y lit à plusieurs reprises « Guerre à la guerre » qui devient rapidement le cri de ralliement de tous les pacifistes et antimilitaristes. Mais aussi « La guerre c’est la misère ou la mort », « Manifestons contre la guerre », « La guerre c’est la désolation ». Davantage sur une ligne internationaliste, on peut lire également sur d’autres pancartes « Nous ne voulons pas de frontières ». De telles inscriptions ont été choisies par les organisateurs qui ont évité des propos séditieux pour ne pas donner aux forces de l’ordre le prétexte à dispersion. Mais d’autres pancartes sont également à signaler. Ainsi, sur une photographie, on peut voir une pancarte de l’Union syndicale des mères de famille : ce groupe de femmes rassemble des socialistes et des syndicalistes qui s’organisent à cette période afin d’agir pour la paix. Ce sont surtout des militantes socialistes, comme Louise Saumoneau ou Marianne Rauze21, qui sont à l’origine de la création de ce type de rassemblement, qui, plus tard, en 1913, se constitue en groupe des femmes socialistes22. L’action pacifiste et féministe se mène de front dans ce milieu même si l’écho de ce type d’actions est peu important et si la présence des femmes au sein des organisations du mouvement ouvrier est encore très minoritaire.
On peut découvrir enfin plusieurs pancartes avec le slogan « Guerre à l’alcool » : ce type de revendication provient de la fédération ouvrière antialcoolique créée en 1909, en lien avec la CGT. C’est le militant libertaire Gustave Cauvin23 qui en est à l’initiative et il multiplie les actions de propagande à cette période, avec l’organisation de meetings ou de conférences. Il utilise d’ailleurs pour la première fois le cinéma comme outil de propagande dans ces rassemblements, où les revendications sociales, antimilitaristes et contre l’alcool se mêlent24.
Il n’y a pas seulement l’affichage de slogans et de revendications par les pancartes. On peut apercevoir sur plusieurs clichés d’autres pratiques militantes, comme la distribution de tracts et de journaux. La CGT a en effet imprimé et diffusé un tract à plusieurs milliers d’exemplaires et des numéros gratuits de L’Humanité et de La Bataille syndicaliste sont distribués à l’entrée du meeting, comme on peut le voir sur une des photographies. On distribue également des publications antimilitaristes : l’une d’entre elles, L’Abattoir, qui est publiée par la jeunesse socialiste du 18e arrondissement, est visée quelques jours plus tard par une enquête de la justice. Enfin, plusieurs clichés montrent des prises de parole improvisées au milieu de la foule ainsi que des chants entonnés à plusieurs : la presse militante nous indique que L’Internationale ou bien encore l’hymne antimilitariste Gloire au 17e ont été chantées par la foule à plusieurs reprises25.
La sortie du meeting confirme la présence policière chargée du maintien de l’ordre. Là encore, les organisateurs ont insisté sur la nécessité de quitter les lieux dans le calme, même si quelques heurts ont eu lieu : « La sortie a commencé vers 4 heures et demie. Elle s’est effectuée normalement, sans cris ni chants, des patrouilles de cavalerie précédées d’agents cyclistes empêchant la formation d’attroupements ou de masses compactes », nous informe ainsi le rapport de synthèse de la préfecture de police26.
Quelle portée pour ce premier meeting unitaire contre la guerre ?
L’ensemble du reportage photographique que constitue cet ensemble issu du fonds Renaudel renseigne sur la composition sociologique des manifestants : on y voit peu de femmes et peu d’enfants, davantage de jeunes hommes et d’hommes adultes, la plupart en habits du dimanche, venus en groupes. Un tel rassemblement est un événement important pour ces opposants à la guerre, c’est la raison pour laquelle ils ont souhaité s’habiller en conséquence, et leur présence confirme leur engagement militant. Marcel Sembat le souligne d’ailleurs dans son éditorial de L’Humanité : « Pour être en vérité membre du Parti socialiste, il ne suffit pas d’avoir dans sa poche la carte et les timbres27. » C’est en cela que ce meeting de l’Aéro-Park est un succès pour les organisateurs : cela a illustré la force du mouvement pacifiste et la nécessaire unité d’action. La volonté de contrôler chaque moment du rassemblement et d’éviter toute violence est aussi signe de succès. Afin de crédibiliser ce mouvement d’opinion, il était essentiel que le calme soit maintenu durant toute l’après-midi. L’agitation et la violence révolutionnaire, qui sont toujours revendiquées par de nombreux socialistes et syndicalistes, ne sont pas ici mises en avant : il fallait au contraire convaincre davantage l’opinion publique et cela passait par une démonstration de force par le nombre et non par la violence. L’unité entre la SFIO et la CGT montre la capacité des deux organisations à promouvoir la paix sans manifestation violente. C’est aussi, comme l’avait déjà souligné Jacques Julliard, le signe d’une évolution de ces militants qui s’éloignent pour bon nombre eux d’un antimilitarisme violent et outrancier pour privilégier des méthodes davantage ancrées dans une démocratie plus apaisée.
Toutefois, du côté des pouvoirs publics et du gouvernement, cette première réussite du mouvement d’opposition à la guerre inquiète plus qu’elle ne rassure. Au même moment, la Sureté nationale demande en effet une remise à jour de l’ensemble des fiches de contrôle des militants antimilitaristes dans le cadre du carnet B28. Cela sera fait dans chaque département dans les mois qui suivent, d’autant que d’autres manifestations contre la guerre ont lieu ensuite. Le congrès international de Bâle en 1912 renforce l’opposition socialiste à la guerre partout en Europe. Les actions contre la loi des trois ans, qui est proposée par le gouvernement afin d’augmenter la durée de service militaire de deux à trois ans dans un contexte de crises internationales à répétition, se développent dans toute la France en 1913 avec de nombreuses manifestations unitaires : la manifestation du Pré-Saint-Gervais le 25 mai 1913 rassemble plus de 150 000 personnes selon L’Humanité.
Enfin, ce reportage photographique permet d’esquisser une ethnographie militante concernant la mobilisation contre la guerre, en complétant les comptes rendus de la presse. L’analyse de photographies concernant le mouvement socialiste et le mouvement ouvrier dans son ensemble a beaucoup à apporter à l’histoire de ces organisations, comme plusieurs travaux l’ont déjà montré29. C’est pourquoi cet ensemble de photographies, dont certaines ont été diffusées par la presse dans les jours suivant le meeting30, permet un regard neuf sur l’histoire de la mobilisation socialiste et syndicaliste contre la guerre avant 1914.
Benoît Kermoal
[1] Compère-Morel (s.d.), Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l’Internationale ouvrière, Paris, A.Quillet, 1912, tome 1, volume 3, p.76.
[2] Publiée entre 1912 et 1919 et avant tout destinée à un lectorat militant, cette encyclopédie en plusieurs volumes détaille l’action de la SFIO et des organisations du mouvement ouvrier à cette période. Voir Madeleine Rebérioux, « Guesdisme et culture politique : recherches sur l’Encyclopédie socialiste de Compère-Morel », Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Paris, Éditions ouvrières, 1976, p.211-227.
[3] Ce congrès a été marqué par le grand discours de Jaurès, voir la récente parution du tome 15 des Œuvres de Jean Jaurès, Guerre à la guerre ! 1912-1914, édition établie par Marion Fontaine et Christophe Prochasson, Paris, Fayard, 2023.
[4]Philippe Oulmont. « Au Pré-Saint-Gervais, 25 mai 1913 Jaurès en rouge et tricolore », Vincent Duclert, Rémi Fabre, Patrick Fridenson, (s.d.), Avenirs et avant-gardes en France XIXe-XXe siècles. Hommage à Madeleine Rebérioux, Paris, La Découverte, 1999, p. 389-394. Une première version de cette note a été présentée lors de la table ronde du Musée de l’Histoire vivante de Montreuil le 25 novembre 2023 : « Jaurès, les socialistes, la CGT et le combat pour la paix 1911-1913 » .
[5] Voir la présentation du Fonds Renaudel en ligne : https://www.jean-jaures.org/publication/la-fondation-jean-jaures-et-le-fonds-renaudel/
[6] Les photographies sont anonymes, mais le journal Excelsior du 25 septembre 1911 qui en publie certaines les crédite à l’agence Central-photos. Sur l’histoire des agences photographiques, voir François Denoyelle, Les agences photo, une histoire française, Chantepie, 2023.
[7] Jean-Claude Allain, Agadir 1911, une crise impérialiste en Europe pour la conquête du Maroc, Paris, Publications de la Sorbonne, 1976.
[8] Elisa Marcobelli, L’Internationalisme à l’épreuve des crises.la IIe Internationale et les socialistes français, allemands et italiens (1889-1915), Nancy, éditions de l’Arbre bleu, 2019. Et de la même autrice La France de 1914 était-elle antimilitariste ? Note de la Fondation Jean-Jaurès, 2013, en ligne https://www.jean-jaures.org/publication/la-france-de-1914-etait-elle-antimilitariste/
[9] Voir pour la SFIO, Marion Fontaine. « La formation du parti socialiste unifié 1905-1914 », Cahiers Jaurès, vol. 187-188, no. 1-2, 2008, pp. 5-13, et pour la CGT, Jacques Julliard, Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d’action directe, Paris, Gallimard-Le Seuil, 1988.
[10] L’Humanité du 24 septembre 1914 donne le plan de l’emplacement situé près du parc des Buttes Chaumont, voir en ligne sur Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k252879f/f1.image
[11] La Bataille syndicaliste, 24 septembre 1911, en ligne sur Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k67635570
[12] La Guerre sociale, 27 septembre-2 octobre 1911.
[13] Archives nationales, F7/23325, rapport de la préfecture de police de Paris, 24 septembre 1911.
[14] Plusieurs rapports de la préfecture de police évoquent avant le rassemblement la venue éventuelle de 150 000 personnes, les effectifs de policiers étant mobilisés pour faire face à ce nombre.
[15] L’Humanité, 25 septembre 1911.
[16] Marcel Sembat, Les Cahiers noirs, Journal 1905-1922, Paris, Viviane Hamy, 2007, p.350.
[17] Sur son parcours, voir Adeline Blaszkiewicz-Maison, Albert Thomas. Le socialisme en guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
[18] La Bataille syndicaliste, 25 septembre 1911.
[19] Excelsior, 25 septembre 1911.
[20] Voir au sujet de ce groupe le livre de Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre ( 1909-1914), Montreuil, éditions Libertalia-L’Insomniaque, 2014.
[21] Voir leur notice biographique dans le Maitron, en ligne https://maitron.fr/
[22] Charles Sowerwine, Les femmes et le socialisme,Paris, PFNSP, 1978.
[23] Voir sa notice biographique dans le Maitron, op.cit. et Archives nationales, fichier central de la Sureté nationale, 19940437/143. Militant syndicaliste et libertaire, Cauvin devient en 1913 socialiste et délégué de la fédération de la Seine au congrès de Brest (1913) où il propose des séances cinématographiques contre l’alcool. Cela illustre bien le passage du militantisme syndical au militantisme socialiste, comme d’autres le font également avant 1914 au sein de la CGT. Voir à ce sujet Jacques Julliard, op.cit.
[24] Tangui Perron, « ‘Le contrepoison est entre vos mains camarades’. CGT et cinéma au début du siècle », Le Mouvement social, n°172, juillet-septembre 1995, p.21-38.
[25] Sur le rôle des chansons dans les pratiques militantes, voir Robert Brécy, Autour de la Muse rouge 1901-1939, Saint-Cyr-sur-Loire, éditions Christian Pirot, 1991.
[26] AN F7/13054, rapport du 24 septembre 1911.
[27] L’Humanité, 24 septembre 1911.
[28] Jean-Jacques Becker, Le carnet B. Les pouvoirs publics et l’antimilitarisme avant la guerre de 1914, Paris, Klincksieck, 1973.
[29] Voir par exemple Annick Bonnet « Images de congrès : les photographies des congrès socialistes 1905-1914 », Cahiers Jaurès, vol. 187-188, no. 1-2, 2008, p.47-61. Voir aussi Frédéric Cépède et Éric Lafon. « Jaurès, l’image et l’acte. Esquisse d’un inventaire et d’une typologie des photographies de Jaurès et de leurs usages », Cahiers Jaurès, vol. 219-220, no. 1-2, 2016, p. 95-118. D’un point de vue général sur l’apport de la photographie en histoire, Ilsen About et Clément Chéroux, « L'histoire par la photographie », Études photographiques, n° 10, 2001, p. 8-33.
[30] Voir par exemple la Une de l’Excelsior, 25 septembre 1911, en ligne sur Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4601396g/f1.image